Recherche
Chroniques
Benjamin Britten
Variations sur un thème de Frank Bridge Op.10 – Cantate Saint Nicolas Op.42
Posséder une bonne technique pour exprimer clairement ce que l'on avait à dire ; se trouver soi-même ; rester fidèle à ce que l'on avait trouvé... voilà ce que Benjamin Britten a retenu de son maître Franck Bridge (1879-1941). Si les époux Bridge considéraient un peu l'apprenti compositeur comme leur enfant, l'affection était réciproque. Preuve en est cetteVariation sur un thème de Frank Bridge op. 10 terminée en 1937, dedicated with love and admiration. Le thème en question est emprunté au quatuor à cordes intitulé L'Idylle n° 2, écrit en 1906, soit sept ans avant la naissance du jeune élève. L'œuvre-hommage se veut un portrait musical du maître anglais, chacune des courtes parties correspondant à un trait de caractère du modèle : son énergie, son humour, son respect, etc.
Créé dans les années quarante, l'Orchestre de Chambre de Zürich nous offre ici une excellente version de l'Opus 10 : c'est magnifiquement dynamique, sensiblement nuancé, réalisé en général avec beaucoup d'esprit. Cette œuvre reste peu jouée sur le continent (on se souvient cependant d'un concert à Toulouse il y a quelques années qui présentait cette pièce), et les chefs qui l'ont servi au disque ne l'ont pas toujours fait avec beaucoup de bonheur – telle l'épouvantable sucrerie de Bernstein, pour n'en citer qu'une, et peut-être la pire... Ici, le Britannique Howard Griffiths, directeur de l'Orchestre de Chambre de Zürich depuis 1996, propose une lecture à la fois lyrique et mystérieuse où l'on retrouve bien sûr Britten mais aussi le Bridge inquiet et dramatique du Troisième quatuor à cordes.
Britten avait-il un goût particulier pour les histoires d'enfants malheureux ? Pervertis dans Le Tour d'écrou, disparus dans Peter Gimes, on se rappelle que finissent démembrés, au saloir, les protagonistes de la plus célèbre chanson populaire mettant en scène l'Evêque miraculeux. Cette cantate Saint Nicolas op.42, créée le 24 juillet 1948, est une commande pour le centième anniversaire du Lancing College. Habitué aux chorales d'enfant, le compositeur est visiblement à l'aise avec le cahier des charges : un chœur de garçons à 4 voix (issus de trois écoles), un chœur de filles, un orchestre à cordes amateur, des percussions et un duo de pianos. Les seuls professionnels de l'aventure étaient le ténor (qui tient le rôle principal), les chefs de pupitre des cordes et le premier percussionniste. Pour cette œuvre, Britten a particulièrement travaillé les contrastes : la précision des percussions et le fondu des cordes, la simplicité des parties pour chœur et la virtuosité de soliste, etc. Ce Saint Nicolas est ici chanté en allemand par le ténor Mark Tucker, en habitué de l'œuvre de Britten, et les Zürcher Sängerknaben, relativement maladroits toutefois. Si l'Opus 10 est une indéniable réussite, l'Opus 42 ne convainc guère.
Signalons que le public parisien pourra retrouver les musiciens de Zürich le mardi 9 décembre dans un programme Demierre, Haydn, Britten et Elgar, au Théâtre des Champs-Élysées.
HK